Le sainfoin, plante fourragère aux mille vertus, refait son apparition sur nos territoires

Pour connaître le sainfoin il faut être apiculteur ou approcher les 88 ans comme Lucien Rousseau (ci dessous, à gauche sur la photo). Pourquoi ? Parce que tous les apiculteurs vous diront que le miel de sainfoin est l’un des meilleurs, et que c’est lui qui a fait la réputation du miel du Gâtinais de la fin du 18ème siècle au milieu du 20ème siècle. Lucien vous dira, quant à lui, que le sainfoin c’était « le carburant des chevaux et du bétail », et qu’il en fallait beaucoup pour nourrir la force animal qui a permis de cultiver les terres agricoles jusqu’à dans les années 1950. Avec l’arrivée des tracteurs, plus de chevaux de trait, et donc plus d’utilité de cultiver du sainfoin. Alors pourquoi Edouard Jouanneau (au milieu sur la photo ci dessous), jeune agriculteur de 24 ans, a-t-il décidé de semer du sainfoin il y a un an sur une de ses parcelles d'Ouzouer-des-Champs. C’est simple : pour préparer l’avenir. Le sien comme le nôtre… On vous explique.

Edouard a fait ses études au lycée agricole du Chesnoy. Et personne ne lui a jamais parlé du sainfoin. Plus tard, avec un de ses amis, il monte une petite boutique de produits locaux à Mormant-sur-Vernisson : « O’Saveurs locales ». Un jour, une cliente lui demande « s’il n’a pas du miel de sainfoin, le vrai miel du gâtinais ? ». Edouard reste sans voix. Un peu piqué au vif, comme par une abeille… Mais cette question le titille. C’est quoi le sainfoin ? Il se renseigne (merci internet !) Et découvre à la fois l’histoire et les bienfaits du sainfoin. Mais surtout, il constate que des agriculteurs se sont remis au sainfoin, que ce soit en Suisse ou en Champagne crayeuse. Il se documente donc et décide en septembre dernier de semer cette plante fourragère d’exception sur une parcelle. « C’est encore expérimental », précise-t-il. Mais il a fait ses comptes, réfléchi, et pour lui c’est comme une évidence : « Le sainfoin est une plante fourragère de haute valeur, à la fois pour l’environnement et l’agriculteur. D’abord cette plante se contente de peu. Elle n’aime pas avoir les pieds dans l’eau l’hiver mais ce n’est pas un problème sur nos terres calcaires. Par ailleurs, elle nécessite très peu d’engrais et de traitements phytos, et sur ma parcelle j’ai décidé de m’en passer. Ensuite elle résiste au froid et à la sécheresse. Elle est robuste, et face aux changements du climat, elle s’adapte. Ensuite, pour l’agricuteur, c’est une plante qui devrait permettre d’être d’un bon rapport. Le sainfoin c’est un fourrage d’excellence pour les éleveurs qui ont décidé de faire de la viande de très haute qualité où pour encore les éleveurs de chevaux. À terme, mon objectif est de vendre des granulés de sainfoin pour l’alimentation animale ».

Le sainfoin a en effet mille vertus. Riche en tannins condensés, ce fourrage d’excellence aide les animaux d’élevage à lutter contre les parasites. Une solution bienvenue alors que les résistances aux antiparasitaires de synthèse progressent. Mais ce n’est pas tout : appétant, très digestible, équilibré en énergie et protéines, il réduit les émissions de méthane des bovins et n’est pas météorisant (gonflement de l'abdomen par accumulation anormale de gaz). Le sainfoin a donc peut-être de l’avenir en ce 21ème siècle !

Edouard a fait sa première coupe de sainfoin début juin. Et il y en aura d’autres ! Entre une et deux d’ici l’automne. « La plante est très vivace », explique-t-il. « Elle repousse très vite, bien sûr ça dépend des précipitations ». Autre avantage : vous semez une fois, et vous en avez pour trois ans de récolte. Édouard a aussi d’autre projets : l’installation de moutons et de ruches, pour produire du miel de sainfoin. À 88 ans Lucien, l’ancien agriculteur, observe Edouard avec beaucoup d’attention et de… nostalgie. « Edouard a repris mes terres », explique-t-il. « Le voir faire du sainfoin, ça me chamboule un peu quand même… »