Interview - Ryadh Sallem, le champion de la persévérance pour "un pacte de la fraternité"
Dernière mise à jour : 20 juin

Ryadh Sallem était à Gien le 17 mars à l’occasion de l’étape Educap City.
Fondateur de l’association CAPSAAA en 1995, délégué général d'Educap City, Ryadh Sallem est un champion hors-norme qui a toujours fait face grâce à son tempérament volontaire et beaucoup de convictions. Ryadh Sallem est né sans jambes ni mains : un handicap causé par le Thalidomide – médicament que sa mère a pris lorsqu’elle était enceinte de lui.
Athlète de haut niveau, Ryadh Sallem a participé 6 fois aux Jeux paralympiques dans plusieurs disciplines. Il est l’un des athlètes de handisport les plus polyvalents de sa génération, tant en natation (15 fois champion de France et d’Europe de natation, avec un titre de record du monde), qu’en basket-fauteuil (triple champion d’Europe) et rugby-fauteuil (champion d’Europe). Il est membre du Comité Olympique Paris Ile de France 2024.
Au delà de ce palmarès sportif, Ryadh Sallem est un acteur engagé depuis les années 90 dans différentes actions pour promouvoir un « pacte de fraternité » : la transmission et le partage des valeurs universelles et républicaines auprès de la jeunesse.
Le tour de France de la citoyenneté d’Educap City est pour Ryadh Sallem l’occasion de répéter inlassablement ses convictions : « Quand on créé la rencontre, on dissout les préjugés, on dissout les peurs et on devient de plus en plus citoyen. On peut devenir un consom'acteur et s’engager ! Quand on créé la rencontre, on ouvre les esprits, on ouvre les cœurs et on comprend. Et comprendre, c'est offrir une intelligence aux enfants. »
L'INTERVIEW
Comment vous est venu l’idée de ce rallye civique ?
Cette idée est née en s’inspirant de rallyes qui existaient déjà. Dans les années 90 il y a eu des conflits entre la police et des jeunes dans les quartiers et l’idée était de créer la rencontre avec les services de la ville, de pacifier un peu les rapports, entre l’administration et la jeunesse. Nous on l’a élargit à tous les acteurs de la cité car on s’est rendu compte que les jeunes ne connaissaient pas leur environnement. Je suis toujours stupéfait quand je vais dans une ville comme à Marseille et ça m’a beaucoup marqué, où des petits marseillais ne connaissait pas la mer. À Paris des gamins n’ont jamais vu la tour Eiffel de près. C’est quand même surprenant ! Si on n’a pas des fondamentaux comme ça pour nos jeunes, c’est difficile de s’approprier sa ville, de se projeter… Les gens restent un peu trop dans leur quartier, souvent ils ont des préjugés sur les uns et sur les autres. Que des gamins puissent circuler d’un quartier à l’autre, ça leur permet de connaître la ville et de favoriser leur mobilité.
Le rallye Educap City c’est donc une manière de partir à la rencontre de l’autre…
C’est un rallye civique, sportif et citoyen, qui permet aux enfants de s’ouvrir, sortir de leur quartier. On se rend souvent compte que le champs de mobilité des jeunes est restreint entre l’école et la maison, avec quelquefois le club de sport s’ils en ont un. L’idée avec ce rallye, c’est de leur ouvrir l’horizon sur toute la ville. Le principe est simple : les équipes ont un carnet de route, ils apprennent la mobilité dans la cité, ils vont sur les différents point de passage, ils échangent avec les personnes présentes à à chaque stand, et ils doivent trouver les bonnes réponses aux questions posées sur leur carnet de route. Grâce à ce parcours, ces gamins vont découvrir plein de métiers, ils vont comprendre que derrière un uniforme, une fonction, un métier, il y a un être humain, et que cet être humain, demain, ce sera peut-être eux. Et pour essayer de se projeter lorsqu’ils feront leur stage de 3ème, ils auront vu un large panel de métiers. ls vont peut-être découvrir leur vocation ou se passionner pour une activité. Ce qui est important c’est qu’il puissent vivre leur citoyenneté dans la ville en ayant toutes les connaissances possibles sur le rôle de chacun dans cette cité et comment ça vie et ça tourne.
À Paris c’est la finale, le rallye prend une autre dimension…
Les six premières équipes de chaque ville viennent à la découverte de la capitale et là ils feront d’autres découvertes, avec des institutions internationales, des ministères, des grands musées, France télévision.. Ils iront à la découverte de cet univers très parisien pour qu’ils comprennent qu’on a en fait une multitude d’identité. C’est bien d’être ancré dans son territoire et d’en être fier, mais il faut aussi comprendre qu’on a une capitale, un pays, et c’est bien aussi d’avoir cette notion de fierté de son pays. À Paris on recevra pas loin de 2000 enfants, et on est très fier de pouvoir les inviter. Pour certains enfants ils vont prendre le train et le métro pour la première fois. Ils vont dormir dans un hôtel… C’est assez magique. Avoir autant de gamins souriants, voir l’image souriante que peux transmettre la jeunesse, c’est ce que nous voulons propager… Souvent il y a des gens qui me disent « Mais ils sont super polis ces jeunes ! » Mais évidemment ! Et ils sont curieux, ils respirent la vie !
Le rallye c’est aussi l’occasion de faire décrocher les jeunes de leurs écrans ?
Grâce à ce genre d’opération les enfants reviennent un peu dans la vrai vie ! Aujourd’hui, même nous les adultes, on a tendance à être happé par les écrans et ne plus être en lien réel avec notre monde. Les enfants peuvent avoir des préjugés car dans le petit écran de leur smartphone il y trouvent beaucoup de fake news et leur esprit critique n’est pas encore abouti. C’est donc important qu’ils puissent rencontrer physiquement des interlocuteurs, qu’ils puissent avoir un échange direct et franc et qu’ils puissent poser leurs questions.
La « sécurité numérique » est l’un des thèmes abordés par cette édition d’Educap City. C’est un sujet préoccupant concernant les jeunes ?
La CNIL et le défenseur des droits nous ont demandé de mettre au programme national de notre rallye une partie sur l’identité numérique et la violence, le harcèlement numérique. Dans chaque ville on essaye de voir si une association peut parler de ces sujets là. Car c’est en train de s’installer dans nos écoles avec de nouvelles formes de violence, une violence à distance, mais qui fais de vrais dégâts avec des enfants qui dépriment ou pensent à se suicider, et certains passent à l’acte.
Et il a aussi la violence des images que regardent certains jeunes…
Il y a un phénomène bien connu : que ce soit par le petit écran ou la télé, les jeunes ont tendance à chercher l’émotionnel, les sensations fortes, et on rajoute beaucoup de violence ou de choses extrêmes dans ces images pour capter leur attention. On est devenu « addict à la violence » et on est tombé dans l’extrême des choses. Alors nous on dit que l’on peut vivre paisiblement dans sa ville et que si on aime la violence il y a tout un tas de sports de combat qui sont organisés avec des règles. Si vous êtes agités, allez donc dépenser votre énergie là-dedans ! C’est important que les jeunes aient conscience de ça car sinon on continue à laisser s’accumuler au fond des têtes des images inconscientes. Et dès qu’il va y avoir le moindre truc, cette violence risque de revenir sur le devant…
Comme par exemple lorsque certains jeunes croisent des policiers ?
Et bien peut-être ! Ils peuvent avoir peur, ou être dans le rejet de l’autre, parce que comme on est alimenté par ces images de violence, on ne sait plus qu’on vit en paix ! On est dans cet éco-système avec les règles des uns et des autres, le respect de la démocratie et des règles républicaines, et tout cet ensemble nous protège dans notre quotidien. On est devenue une société un peu plus égocentré, égoïste, mais c’est le collectif qui protège cette société. Il faut à la fois prendre soin de soi mais aussi prendre soin du collectif car l’un ne va pas sans l’autre. Et cette notion là n’est pas toujours bien comprise par les enfants. Exemple : il arrivent dans une pièce, ils appuient sur un bouton, ils ont de la lumière. Très bien mais comment et pourquoi ça fonctionne ? Il ne savent pas. On peux leur expliquer qu’Il y a des gens qui travaillent, une centrale qui produit de l’électricité, bref un collectif. Faire prendre conscience aux jeunes de l’importance du collectif leur permettra aussi de vivre pleinement leur individualité dans notre société en étant citoyen.
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