Football - Racisme sur les terrains, le récit accablant de René Grandjean (US Cepoy/Corquilleroy)

« Le vase est plein ». C’est ainsi que René Grandjean a choisi d’aborder son sujet. « Marre ! », ajoute le président du club de football de l’US Cepoy/Corquilleroy. Son équipe fanion est frappée par une série d’acte de racisme au cours de ses déplacements en compétitions départementales. « Là, il faut que ces agissements cessent », insiste-t-il. L’état des lieux semble atteindre son paroxysme. Tout Près Tout Proche a mené l’enquête. « Et je ne dis pas tout », glisse René Grandjean. Il s’exprime. Sans le moindre filtre.
Nous sommes le 13 novembre 2022. Ce jour-là, l’équipe de football de l’US Cepoy/Corquilleroy se rendait sur un terrain situé à une quarantaine de kilomètres de Montargis. Il s’agissait d’une rencontre en D3 départementale. Tout semblait « idéal » pour le déroulement d’un match ordinaire. Sauf que les joueurs cepoyens ignoraient qu’ils allaient vivre « une journée cauchemardesque », raconte René Grandjean, le président de l’USCC. La colère au visage. Parce que l’équipe seniors de Cepoy a subi ce jour là un « traitement raciste » de la part d’une partie du public adverse.
« Cris de singe, insultes, propos racistes… »
Dans une vidéo, que nous avons consultée, des cris de singe ont été lancés en direction de l’équipe de Cepoy (13 novembre). Comment en est-on arrivé là ? « Lors de ce match, il n’y avait pas d’arbitre officiel. Il fallait, du coup, en désigner un. On a tiré à pile ou face et c’est nous qui avons gagné… », explique René Grandjean. Un dirigeant cepoyen était donc choisi pour arbitrer la rencontre. Mais au bout de quelques minutes de jeu, la situation « devenait intenable… Une pression terrible envers notre dirigeant-arbitre. On a eu droit aux insultes, aux provocations », témoigne un autre dirigeant de ce club, présent sur les lieux. « Il y a eu tout de même de graves dérapages en balançant des cris de singe et des propos racistes envers nos joueurs… », peste René Grandjean.
Match stoppé, intervention des gendarmes…
Ce match n’ira finalement pas jusqu’au bout. Il s’arrêtera après 35 minutes de jeu. « Impossible de continuer dans de pareilles conditions », note un dirigeant cepoyen. Et de poursuivre. « On s’est terriblement senti en danger. Il y avait un climat menaçant autour de nous… ». Seule issue : « Mon coach a appelé les gendarmes. Nos joueurs ont heureusement pu quitter ce terrain-là en toute sécurité », éclaire René Grandjean. Lequel révèle son seul regret. « On aurait dû déposer plainte ce jour-là ». La commission de discipline du district du Loiret a, quelques semaines plus tard, rendu son verdict : les 3 points pour Cepoy, sanctions à l’encontre de l’équipe adverse : 3 matches à huis clos et une amende (affaire jugée sur les circonstances ayant entraîné l’arrêt de cette rencontre et non pas sur l’acte de racisme).
Révélations qui font froid dans le dos…

René Grandjean est un homme triste. « J’avais déjà alerté les instances sur les dérives autour du racisme…», note le président de l’US Cepoy/Corquilleroy. « Un jour, en déplacement lorsque l’on évoluait en D2 départementale, un joueur adverse avait balancé : « l’arbitre a raison, il n’y a que des noirs et des arabes dans cette équipe de Cepoy… ». « C’est scandaleux ! », peste-t-il. « Lors de la commission de discipline au district, j’ai soulevé le problème des propos proférés par l’arbitre officiel… », ajoute-t-il. Avant d’appuyer. « Cette année, on s’est déplacé sur un autre terrain. C’est un arbitre bénévole, dirigeant de l’équipe adverse, qui avait arbitré le match. On a eu droit à des propos raciste de ce même dirigeant (arbitre désigné). Mon joueur a pris dix matches de suspension (menaces et intimidations à l’encontre de l’arbitre). On a fait appel. Et lors de la commission de discipline pour statuer sur cette affaire, le président du club adverse a dit ouvertement que son dirigeant (arbitre) était un raciste… La suspension (10 match du joueur cepoyen) a, finalement, été levée ».
« Il y a des clubs qui sont touchés, mais ils ne font rien »
Il s’agit, là, d’un sérieux cri de détresse. « Il y a des clubs qui sont touchés mais ils ne font rien », regrette René Grandjean. Et le phénomène semble être chronique. « Si à chaque fois mes joueurs se déplacent sur un terrain tout en sachant qu’ils pourront être l’objet d’acte de racisme, on arrête tout ! Ce type de comportement ne doit plus exister sur nos terrains de football. Ni ailleurs. Stop ! », martèle René Grandjean. Lequel tient à préciser. « Je tire l’alarme sur le racisme mais heureusement que ces discriminations ne se traduisent pas sur tous les terrains ».
« Les joueurs en ont marre… »

Du côté du club de Cepoy, la parole est désormais libérée. « Quand une personne se fait agresser en permanence, elle finit par exploser », prévient René Grandjean. « Je lève le voile sur un problème que beaucoup de gens ne souhaitent pas évoquer », répète le responsable cepoyen. Lequel accentue ses arguments. « Nos clubs sont le reflet de l’équipe de France… Et de la société française, à savoir la mixité ». Comment les joueurs du club cepoyen parviennent-t-ils à gérer ces « agressions » ? « Ils en ont marre ! », jure René Grandjean.
« De l’appréhension tous les dimanches »
René Grandjean, plusieurs décennies sur les terrains de football, ne le cache pas. « J’ai une appréhension tous les dimanches. Le même souhait revient à chaque fois : que les choses se passent bien, qu’il n’y ait pas de débordements, que les matches se déroulent le plus normalement du monde », concède l’homme de 57 ans. Et de prévenir. « Les bénévoles se raréfient. Si les discriminations et autres agressions, comme par exemple celles faites aux arbitres, se généralisent, la situation deviendra encore plus compliqué pour nous, les clubs ».
Benoît Lainé : « Le district ne tolérera aucun acte de racisme »
Le président du district de football du Loiret est catégorique. « Nous ne tolérerons aucun geste de racisme sur nos terrains… », signale Benoît Lainé. L’instance footballistique départementale a, à juste titre, soutenu ou mené des actions contre le racisme. « On a organisé, l’année dernière, un challenge U12/U13 pour, justement, sensibiliser contre ce problème. Aujourd’hui, malgré les malheureuses exceptions, la situation n’évolue pas défavorablement. Les sanctions sont claires à ce sujet ». Le FC Mandorais organise une journée contre le racisme, le 25 mars prochain. « Qu’on y soit tous pour dire « non » à ce fléau », lance René Grandjean.
Adolphe Ndayizeye :
« On nous traite de sauvages… »
Adolphe Ndayizeye est le coach de l’équipe seniors de l’US Cepoy/Corquilleroy. Et c’est lui qui était en charge (avoir avoir fait la pièce) d’arbitrer le fameux match en D3 départementale, le 13 novembre 2022. L’homme de 36 ans ne risque pas d’oublier ce jour-là. « Menaces, intimidations, propos racistes, cris de singe », rapporte le coach cepoyen. « Quand on est rentré aux vestiaires, mes joueurs étaient ravagés. L’incompréhension totale de se faire traiter de la sorte. On est des êtres humains,? Il a fallu que je calme toute cette colère pour quitter les lieux… C’est décevant non ? ». Adolphe Ndayizeye n’en revient pas. « On nous traite, parfois, de sauvages. Pourquoi ? Parce que l’on est noirs, arabes… Alors que, au club, l’ambiance est familiale. L’origine d’un joueur, on s’en fout. On est tous là pour une passion : le football ! ».
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