Littérature : Daniel Plaisance nous fait voyager au temps de la révolution... et de l'amour, à C

Ça ne s’invente pas : le dernier livre de Daniel Plaisance est sorti pour le déconfinement, et vous pouvez aller chez votre libraire préféré pour le trouver ou le commander...
Daniel Plaisance est natif de Château-Renard et habite le Gâtinais qu’il connaît bien. Le territoire est en toile de fond de son dernier livre qui va nous faire voyager au temps de la révolution française sous forme de trois récits romancés enchâssés dans une fiction contemporaine...
Le thème commun ? La relation amoureuse de personnages réels dans une période tourmentée... Tour à tour, un couple de révolutionnaires éminents, un jeune magistrat imprégné de la philosophie des Lumières et la fille d’un royaliste, un prêtre et une religieuse déchirés entre sacerdoce et passion réciproque, vivent sous nos yeux une aventure personnelle aux accents nécessairement dramatiques, à l’ombre de la guillotine.
Professeur de lettres à l’origine, Daniel Plaisance a déjà publié une douzaine d’ouvrages : biographies combinant culture et régionalisme, essais sur la littérature du XVIIe siècle, chroniques personnelles aux Éditions de l’Écluse, deux romans aux éditions Jérôme Do Bentzinger, et un recueil de nouvelles aux édifions L’Harmattan.
LECTURE D'UN EXTRAIT
Nous vous proposons de lire un extrait de l’ouvrage : le début du récit qui met en scène l’arrivée d’un jeune homme, Gaëtan Du Pont, à Château-Renard, pour revoir celle qu’il aime, Françoise Fougeret, fille du propriétaire du château de la Motte, guillotiné quelques mois plus tôt…
« Du haut de la colline qui surplombe Châteaurenard par le sud, apercevant au loin des lames d’acier enflammer l’ardoise de la toiture, le jeune homme sent son cœur battre plus fort. Depuis des mois, il n’a eu de cesse de penser à cet instant – celui où il retrouverait sa bien-aimée. Et celle qu’il aime vit dans ce château de La Motte, posé entre deux bras de l’Ouanne, dans la vallée, en contrebas. Il l’a quittée, il y a plus de deux ans… On est en décembre 1795.
D’où il se trouve, il distingue, émergeant du bois d’arbres centenaires, dénudés en ce début d’hiver, toits et cheminées qui s’élancent du bâtiment principal flanqué de deux pavillons et, plus au nord, la forme quadrangulaire du colombier. Assis sur un vieux tronc moussu entouré de houx et de fougères, il souffle un instant, goûtant par avance la saveur des retrouvailles, l’appréhendant cependant, imaginant l’effet de surprise de son apparition, accentué du fait de son singulier « équipage ». Le fringant émigré reçu par le philosophe Edmund Burke durant la Terreur, confortablement installé dans une voiture à cheval, comment le reconnaître sous les traits de cet homme qu’on prendrait aisément pour un simple palefrenier, enveloppé dans une longue redingote élimée aux manches, les cheveux longs et gras, coiffé d’un tricorne passé de mode, le sac au dos ?
Sur la colline d’en face, située au nord, il entraperçoit les vestiges du vieux château-fort des Courtenay, l’église et le donjon. Il y a, dominant la ville, nichée au cœur des fortifications, le cabinet d’étude du prieur Anquetil, illustre historien, ami des Fougeret. Gaëtan Du Pont apprécie cet homme, non seulement pour son érudition et sa foi indéfectible, mais aussi pour sa bienveillance naturelle et une réelle ouverture d’esprit.
(…)
Le chemin qui conduit au château, enjambant tour à tour deux bras de rivière, signifie que le moment – à la fois attendu et redouté – est proche. Bientôt, la voûte des arbres du parc sur sa droite s’éclaircit et l’on entraperçoit le mur en briques Renaissance à l’angle sud du bâtiment. Les grilles d’entrée sont plus modestes que celles qu’il a connues lors de la première visite. Le style du cadran n’est plus. La Révolution est passée par là : Fanchette (le surnom de Françoise) s’en est désolée dans une lettre encore récente. Lorsque deux laquais viennent à lui pour ouvrir la grille principale, ils l’interrogent sur son identité. L’un d’eux – le plus âgé – finit par le reconnaître, mais ses yeux éberlués trahissent une interrogation : sera-t-il reconnu par les maîtres des lieux ? Il se saisit de son maigre sac de voyage et manifeste aussitôt de la compassion pour sa situation misérable. Franchissant le pont entre les deux hommes, Gaëtan remarque les travaux récents. Il saura plus tard que les portes ont été brisées, les serrures arrachées. Les murs du hall d’entrée sont devenus ternes, les boiseries sont maculées, le miroir central a disparu. Cette impression de désolation assombrit le plaisir qui commence pourtant à l’étreindre, d’autant qu’elle symbolise son idéal politique déçu, qu’elle préfigure également le deuil affiché de la famille Fougeret, leur long emprisonnement dans l’ancien couvent de Port-Royal, et surtout l’exécution du père de son aimée en mai 1794 – Jean Fougeret -, propriétaire du château en Gâtinais.
Quand l’un des serviteurs qui le précède frappe et ouvre la porte du petit salon au rez-de-chaussée, il reste un instant dans l’encadrement. Le temps lui paraît suspendu. Une hésitation… Quelle n’est pas la surprise des femmes assises dans de profonds fauteuils garnis de maroquin noir, lisant et devisant au pied de la tapisserie centrale dont il a toujours apprécié le caractère médiéval ! Le jeune homme, conscient de l’étrangeté de son état, s’avance timidement en direction de Mme Fougeret, laquelle ne peut retenir ses larmes lorsqu’il s’agenouille respectueusement devant elle… »
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